La question m’a été indirectement posée par un lecteur. Qui sont donc ceux contre lesquels se battent Raveneau et tant d’autres flibustiers ?
On ne les voit effectivement que fort peu : quelques casques bombés et luisants qui dépassent des buissons, de vagues groupes de cavaliers en rangs serrés, quelques canonniers en haut des forts…le tout semblant souvent dénué de bravoure et de courage.
Je vais tenter un petit précis de l’autre bord.
Pour que cela ne soit pas trop chargé en termes d’information, je vais séparer l’article en plusieurs épisodes : les institutions, l’organisation sociale, le rôle de l’Eglise et de l’armée.
Les institutions
Lors de son arrivée en Amérique centrale, Raveneau parle d’un président de Panama. Le Panama n’étant pas une république à l’époque, il est donc légitime de se demander pourquoi il mentionne ce titre, un tant soit peu anachronique dans le texte.
En déblayant un peu la place, on va essayer de comprendre pourquoi.
Au début de la conquête, la Couronne espagnole avait délégué une bonne partie de ses pouvoirs aux conquistadors. Une fois les territoires pacifiés et le contrôle établi, nulle intention de laisser à ces aventuriers le bénéfice de leurs combats…ils ont tout bonnement été remplacés (cf. le plaidoyer pro-Colomb de Bartolomé de Las Casas, ou encore les longues plaintes de Hernán Cortés sur le manque de soutien de la métropole…mais ce serait long à développer ici) par des fonctionnaires de la métropole.
La monarchie et ses institutions (entre autres les Cortes de Castille) ne pouvant prendre sur eux une gestion aussi importante, de nouvelles furent créées pour les colonies.
La tête – le Conseil des Indes
Fondé par Charles Quint en 1524, le Conseil des Indes est formé de quelques membres qui sont chargés (entre autres) des fonctions suivantes:
- Proposer les lois des colonies au monarque,
- Le conseiller sur les nominations aux postes importants (vice-royautés, membres des Audiences royales, etc.),
- Cour de justice de dernier recours.
Il est à la tête de toute la structure coloniale. Sous Philippe II, le conseil siège à Madrid et fait un rapport régulier (hebdomadaire, voire quotidien) au roi sur l’état de la situation aux Indes (principalement en Amérique donc).
Le cou – Les vice-rois
Le roi ne pouvant se rendre lui-même sur place, il était représenté par des vice-rois, gouvernant deux vice-royautés : celle de Nouvelle-Espagne (Amérique du Nord, Mexique, une partie des Caraïbes et les Philippines) et celle du Pérou. Deux autres seront créées au cours du XVIIIe siècle : celles de la Nouvelle-Grenade (nord de l’Amérique du Sud, aujourd’hui Colombie, Equateur et Venezuela) et de Rio de la Plata (Bolivie et Argentine actuelles).
Les épaules – Audiences et capitaineries
Les vice-royautés étaient subdivisées en audiences (Real Audiencia), une institution de conseil et une cour de justice aux pouvoirs très larges et dirigées par un président.
On y retrouve donc le fameux président de Panama de Raveneau, en réalité le président de l’Audience royale de Panama.
Elles disposaient du privilège de pouvoir en appeler directement au Conseil des Indes et à la Couronne, sans passer par le vice-roi, ce qui en faisait de puissants leviers de contre-pouvoirs vis-à-vis de ceux-ci.
De plus, les membres de l’Audience étaient nommés à vie, contrairement au vice-roi ou au capitaine général, nommés pour un temps déterminé.
Les capitaineries générales étaient des territoires jugés risqués, à savoir pouvant être les lieux de révoltes ou d’attaques extérieures. Le capitaine général était commandant des troupes tout aussi bien que président de l’Audience royale du territoire concerné (ce fut le cas du Guatemala par exemple).
Le torse – Le conseil municipal
Cela semble pas grand chose pour nous, mais le conseil municipal (cabildo en espagnol) était une institution puissante. Y siégeaient les conseillers (regidores) avec deux juges de première instance qu’étaient les alcades menores.
Plus tard, la Couronne leur assignera deux fonctions supplémentaires pour les contrôler : les corregidores (présidant le cabildo) et les alcades mayores, juges d’instance supérieure.
Chargé d’établir les lois locales, le cabildo était modelé sur l’organisation municipale de Castille. Ses membres étaient élus ou choisis parmi les grands propriétaires locaux.
Voilà qui donne un bref aperçu de la structure institutionnelle en Amérique post-colombienne. Cela éclaire un peu sur les quelques personnages que rencontre Raveneau, tout comme sur certains rôles dont parle Cortés dans ses lettres.
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-Cortés avance toujours, à tout petit pas, car il faut beaucoup de renseignements pour nourrir le travail éditorial. Un travail de fourmi, mais passionnant.
-Il en va de même en termes de vitesse pour Rollet de l’Isle. Mais pour lui, c’est l’intégration de ses dessins qui prend un peu plus de temps. Les résultats préliminaires ont déjà bien plu à mon co-éditeur, je suis donc confiant sur la qualité du résultat, qui sera donc richement illustré. Je choisirai un papier de qualité pour que cela soit bien mis en valeur.
-L’amiral Cockburn n’est pas en reste et avance lentement aussi, quand j’ai un peu de temps.
Une bonne journée et bonne lecture à tous !
Barbelet Agnès
Toujours aussi passionnant, j’adore lire ces aventures et j’apprends beaucoup de choses. Les précisions sur le blog sont fortes intéressantes, j’attends avec impatience les autres livres..